A la rencontre de Momo Tchinda Émérence Imelda
Titre de la présentation : De la participation des femmes aux processus de paix en Afrique, une entreprise informelle ardue : le cas de la crise anglophone au Cameroun
Pouvez-vous nous parler de votre domaine de recherche et pourquoi avez-vous choisi ce domaine en particulier ?
En tant que chercheure je travaille principalement sur les politiques publiques. Il s’agit d’une discipline qui analyse l’ensemble des interventions d’autorités publiques dans un domaine particulier de la société ou du territoire. En bref l’étude des politiques publiques consiste à analyser le déploiement de l’Etat au quotidien dans divers aspects de la société. Mon inclinaison pour cette branche de la science politique est liée à son aspect hautement pratique et technique. Elle permet de comprendre comment un problème social parmi peut être inscrit sur agenda gouvernemental, faire l’objet d’une politique publique qui devra être implémentée. Par ailleurs, l’étude des politiques publiques rend compte des éventuels décalages qu’il pourrait y avoir entre une décision publique et son implémentation sur le terrain. Cette discipline a suscité mon attention non seulement parce qu’elle permet de développer des paradigmes de gouvernance efficaces épousant les contextes pour lesquels ils sont adoptés, mais aussi parce qu’elle contribue fortement à améliorer la vie de la communauté. Cependant je m’intéressons également aux questions de paix et de sécurité, d’où ma contribution au Symposium des Jeunes Chercheurs.
Que représente le Symposium des Jeunes Chercheurs pour vous et pourquoi avez-vous décidé de postuler ? Quelles sont vos attentes par rapport à cet événement ?
Le Symposium des Jeunes Chercheurs est pour moi l’opportunité d’interagir avec d’autres chercheurs africains sur les problématiques cruciales relatives à l’essor de notre continent. De manière à apporter des solutions proprement endogènes et donc susceptibles d’être opérationnalisées en Afrique. Il s’agit pour moi de contribuer à la production de protocoles théoriques, d’outils méthodologiques, et de données réellement utiles à l’Afrique. Une recherche afrocentrée, dépouillée de toute forme de mimétisme. Considérant qu’aujourd’hui encore en Afrique, la recherche produit énormément de données qui n’influencent pas toujours la vie des populations étant donné qu’elles ne reflètent pas toujours les réalités du territoire. Les modèles théoriques occidentaux épousent difficilement les contextes des pays du Sud. Or il est grand temps d’arrêter de faire de la recherche par procuration. Par ailleurs c’est aussi l’occasion de constituer un réseau fort favorisant le commerce intellectuel à l’échelle mondiale, de découvrir et de valoriser les travaux africains en apportant un plus au rayonnement des références africaines dans le domaine des sciences sociales.
Quels défis rencontrez-vous en tant que Jeune Chercheur en Afrique, aussi bien dans votre domaine spécifique que de manière générale ?
De manière générale en Afrique, le problème que les chercheurs rencontrent est lié à l’accès à la documentation actualisée, les bibliothèques recèlent majoritairement d’ouvrages datant de plus de dix ans, et provenant majoritairement d’auteurs occidentaux. Par ailleurs se pose le sempiternel problème de financement de la recherche. Les coûts liés à l’étude du terrain, à la conduite des entretiens et aux autres étapes indispensables à la recherche incombent uniquement au chercheur. Aussi, un autre défi est lié à difficulté que pose la collecte des données de terrain. La rareté des banques de données très souvent difficiles d’accès, et/ou leur caractère approximatif quand elles existent rendent la recherche quelque peu difficile. Un autre défi et non des moindres est celui des pesanteurs administratives qui entravent le parachèvement des travaux de recherches universitaires en retardant significativement les soutenances publiques.
En quoi pensez-vous que le Symposium des Jeunes Chercheurs Africains peut contribuer à résoudre certains de ces défis ? Quelles solutions ou opportunités pensez-vous qu'il pourrait offrir aux Jeunes Chercheurs comme vous ?
Le symposium, en tant qu'espace d'échange et de débat, offre une opportunité précieuse pour la création d'un réseau de chercheurs collaboratifs, où les expériences individuelles peuvent être partagées indépendamment des frontières nationales. Il constitue également une plateforme propice à la discussion d'idées et à l'exploration d'opportunités. En favorisant l'union et la collaboration, le symposium des jeunes chercheurs pourrait catalyser la formation d'un front de recherche dédié aux études africanistes, reflétant la diversité du continent et capable de rayonner à l'échelle mondiale.
Quelles sont vos perspectives pour l'avenir dans votre domaine de recherche et en tant que jeune chercheur en Afrique ?
En tant que chercheuse en science politique, spécialisée dans les politiques publiques, en particulier les politiques sectorielles de développement, je m'engage à contribuer à la mise en place de politiques africaines pertinentes qui tiennent compte des contextes culturels dans lesquels elles sont mises en œuvre. Mon attention se concentre particulièrement sur la relation entre la gouvernance foncière et les politiques d'urbanisme dans l'une des principales villes d'Afrique centrale, la capitale économique du Cameroun, Douala. L'objectif est d'analyser la manière dont la planification et le contrôle de l'espace urbain sont négociés dans cette ville, qui, comme de nombreuses autres villes au Cameroun et en Afrique, est confrontée aux défis de l'urbanisation.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre présentation pendant le Symposium et expliquer pourquoi les participants devraient venir vous écouter ? Qu'est-ce que vous espérez transmettre ou partager avec eux ?
Ma contribution est sur la participation des femmes au processus de pacification du conflit anglophone au Cameroun. Cette étude révèle que les femmes en Afrique ne sont pas simplement des victimes passives de la guerre ; elles jouent un rôle actif dans la résolution des conflits. Bien qu'elles rencontrent encore des difficultés pour obtenir une place au sein des instances officielles de négociation de la paix, elles contribuent néanmoins à la pacification du conflit en utilisant des moyens d'action non conventionnels, puisant dans leur rôle profondément ancré dans la société, en particulier dans la société camerounaise et africaine en général. Cet article démontre comment les femmes se mobilisent et utilisent les registres d'action traditionnellement associés aux femmes dans la société pour mettre fin à la crise anglophone. Notre contribution vise donc à mettre en lumière non seulement les voies informelles empruntées par les femmes pour pacifier la crise, mais également à évaluer l'impact de leur action dans le processus de paix et à proposer en fin de compte des solutions pour l'améliorer.