Faire entendre la voix de la recherche africaine : le combat des jeunes chercheurs pour la reconnaissance

Le monde de la recherche demeure, pour beaucoup de jeunes africains, un univers presque mystique, une sphère réservée à une élite difficile d’accès. Pourtant, une nouvelle génération, curieuse et audacieuse, tente d’en déchiffrer les codes et d’y inscrire son empreinte. Malgré leurs efforts, de nombreux jeunes chercheurs voient leurs travaux relégués dans l’ombre, loin des projecteurs et de la reconnaissance qu’ils méritent. 

Si les ambitions scientifiques de la jeunesse africaine sont indéniables, elles se heurtent à d’importants obstacles qu’il devient urgent de lever. Le présent article met en lumière les motivations des jeunes Africains engagés dans la recherche, les défis majeurs auxquels ils font face, et esquisse quelques perspectives d’avenir pour une meilleure valorisation de leurs travaux. 

L’engagement des jeunes chercheurs : entre rêve d’avenir et réinvention du continent 

 Pour nombre de jeunes étudiants africains, la recherche représente un levier de transformation et un outil de libération intellectuelle. Ils sont convaincus que la science demeure la boussole du développement durable du continent. 

« Les jeunes Africains peuvent aussi, par le biais de la recherche, trouver un modèle de développement adapté à nos réalités, car le développement n’est pas linéaire », confie Touwendenda Maxime Compaoré, étudiant à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou (entretien réalisé en 2025). 

Cette conviction rejoint la vision de l’UNESCO : « L’avenir de l’Afrique repose sur sa capacité à transformer l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) pour libérer le potentiel de sa jeunesse et encourager le développement durable. » (UNESCO, 2024) 

Ainsi, les motivations des jeunes chercheurs s’ancrent dans plusieurs dynamiques. Pour certains, la recherche est un impératif moral et intellectuel, une réponse kantienne au manque criant de spécialistes dans certains domaines stratégiques. Pour d’autres, c’est un moyen de transmission du savoir et d’immortalisation des connaissances héritées. 

Comme le souligne Maxime Compaoré:« Si nous avons eu le privilège d’acquérir des connaissances et de l’expérience, il est de notre devoir de les transmettre aux générations futures. » a-t-il laissé entendre. Il se convainc alors que chaque génération à un role très crucial à jouer dans le developement de l’Afrique. Mais entre ces idéaux et la réalité du terrain, un fossé subsiste. 

Le visage sombre de la recherche en Afrique : un manque criant de volonté politique 

La recherche demeure souvent le parent pauvre des politiques publiques africaines. Elle est peu connue du grand public et trop souvent négligée par les décideurs politiques. Le rapport du PNUD (2024) indique que 30 % des chercheurs africains sont des femmes un signe encourageant de féminisation du domaine. Ces femmes se retrouvent majoritairement dans les sciences sociales et humaines. Pour Shaida Akambi, etudiante à l’IPERMIC, c’est l’ensemble des préjugés que la société a pour les femmes qui diminuent leurs ambitions à s’investir dans les sciences de l’ingénieur ou dans les sciences dites dures. “ Nombreuse personnes estiment que les femmes ne sont pas à mesures de faire des travaux physique dure comme le domaine du BTP et l’industriel. Malheureusement, beaucoup des femmes ont également ce complexe d’infériorité. Elles ne croient pas en elles-memes ”, a renchéri Shaida Akambi. (Interview réalisé à Ouagadougou, 2025). 

Toutefois, la valorisation des travaux des femmes et jeunes demeure insuffisante. Certains estiment que c’est le manque de curiosité de la part de la population qui fait que les travaux scientifique ne sont pas assez visibles. “ La population tout comme les acteurs poliques ne trouvent pas un interet à parcourir des document qui valent des centaines des pages. Je crois qu’il n’ya pas assez de canaux pour vulgariser  les recherches scientifiques afin que nos chercheurs soient réconnues à travers le monde.” a souligné Eldaad Kombasséré, étudiant en communication et du journalisme à l’IPERMIC.(Interview, Ouagadougou, 2025). Les recherches, même pertinentes, peinent à influencer les politiques ou à trouver des financements durables. 

Selon la Banque mondiale (2014), « La faible qualité de l’enseignement scientifique de base, un enseignement supérieur trop axé sur les sciences humaines, ainsi qu’un financement international limité et concentré sur l’agronomie et la santé, freinent le développement scientifique du continent. » Ce constat illustre une faiblesse structurelle : l’absence d’une politique cohérente de promotion et de valorisation des jeunes chercheurs. À cela s’ajoute un manque de reconnaissance des savoirs endogènes, pourtant essentiels à la construction d’une science africaine authentique. 

Selon FIPECO (2025), le financement de la recherche scientifique dans les pays développés est principalement à la charge des differents gouvernement. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) constitue également un véritable accompagnement du monde scientifique à travers notamment l’octroi des bourses aux chercheurs et le soutient pour la réalisation des grands projets scientifiques. Or, dans la plupart des budgets adoptés par les nations africaines le soutien à la recherche est très insuffisant. Pour Dr Daniel Nabié, enseignant-chercheur à l’université Joseph KI-ZERBO de Ouagadougou, la recherche n’est pas très soutenue et encouragée par les differents Etats africains. “ Les Etats et les entreprises ici en Afrique ne financent pas assez les projets de rechereches. Et il faut aussi savoir que les objectifs de la science ne sont pas toujours conformes à ceux des decideurs politiques. Au-délà de cela, il faudrait egalement souligner que les décideurs, les entreprises consultent de moins en moins les resultats des recherches, qui, les plus souvent sont consignés dans les thèses,articles scientifiques ou mémoires.”  

Vers une renaissance scientifique africaine : des pistes pour l’avenir 

 Pour faire des universités africaines de véritables pôles d’excellence et d’innovation, il est urgent de mettre en place des politiques ambitieuses et inclusives. Cela passe nécéssairement par plusieurs actions fortes. 

La création de clubs scientifiques et de laboratoires ouverts aux lycéens, afin de susciter très tôt la curiosité scientifique. Ce type d’initiative permet de détecter les diffents talents chez les enfants afin de les orienter en amont pour le futur. 

Toujours dans cette dynamique de promotion et de développement de la recherche scientifique, il serait judicieux de mettre en place des centres juniors d’entrainement scientifiques dans les differents quartiers des villes et des villages. De telles initiatives contribuent à rehausser le niveaux mais aussi à semer les graines de la recherche scientifiques dans les esprits des plus jeunes.  

L’organisation de concours régionaux et nationaux destinés à valoriser les initiatives étudiantes et les découvertes locales (Étudiant Africain, 2025). 

La facilitation de la publication des travaux des étudiants dans les revues scientifiques ou sur des plateformes ouvertes, notamment grâce à l’appui de structures comme l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF, 2023).L’Afrique doit oser investir dans l’intelligence de sa jeunesse, car la véritable souveraineté du continent ne se construira pas seulement par les ressources naturelles, mais par la richesse du savoir. 

Conclusion 

Les jeunes chercheurs africains incarnent une flamme intellectuelle qui ne demande qu’à être attisée. Leur engagement, à la croisée du rêve et de la rigueur, pourrait bien tracer la voie d’une Afrique scientifique, indépendante et rayonnante. 

Mais pour que cette vision devienne réalité, les États doivent transformer les discours en actes, les institutions doivent accompagner, valoriser, et la société civile doit croire en sa jeunesse savante. Car au fond, la recherche africaine ne cherche pas seulement des réponses, elle cherche une renaissance. 

 

Références 

Banque mondiale. (2014). Rapport sur l’enseignement supérieur et la recherche en Afrique. 

Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). (2024). Indice du développement humain et rapport sur la recherche en Afrique. 

UNESCO. (2024). Transformer l’enseignement des STIM en Afrique pour un développement durable. 

Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). (2023). Initiatives de valorisation de la recherche étudiante. 

Étudiant Africain. (2025). Les jeunes chercheurs africains et la quête de reconnaissance. 

Entretien avec Touwendenda Maxime Compaoré, étudiant à l’Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou (2025). 

Entretien avec Dr Daniel NABIE, Enseignant-Chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou (2025). 

Entretien avec Shaida Akambi, Etudiante à l’Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou (2025). 

Entretien avec Eldaad Kombasseré, Etudiant, IPERMIC (l’Université Joseph Ki-Zerbo), Ouagadougou (2025). 

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