Le saviez-vous ? 31 juillet : Journée Internationale de la Femme Africaine (JIFA)

Une date trop méconnue 

Le 31 juillet ne figure que rarement sur les calendriers officiels ou dans les médias dominants, pourtant cette date incarne un pan essentiel de l’histoire des luttes féminines en Afrique. Instituée en 1962 à l’issue de la première Conférence des femmes africaines à Dar es Salam (Tanzanie), la Journée Internationale de la femme africaine (JIFA) rend hommage aux combats des femmes pour la décolonisation, la justice sociale, la paix, et l’émancipation des peuples du continent. 

Contrairement à la Journée internationale des droits des femmes célébrée le 8 mars dans le monde entier, le 31 juillet est une initiative par et pour les femmes africaines qui ancre les revendications dans des réalités historiques et sociopolitiques propres à l’Afrique. Pourtant, cette journée reste largement marginalisée dans l’espace public et institutionnel. La célébrer, c’est raviver la mémoire de pionnières oubliées, c’est aussi affirmer la nécessité d’un féminisme africain qui conjugue lutte contre la décolonisation, l’accès aux  savoirs, et justice sociale. 

« Tant que les femmes ne sont pas libres, le peuple ne sera pas libre. » 
— Jeanne Martin Cissé, militante guinéenne, première femme à présider le Conseil de sécurité de l’ONU (1972) 

 


Aux origines de la JIFA : Dar es Salam 1962   

La création de la Journée internationale de la femme africaine remonte à une rencontre historique : la première Conférence des femmes africaines organisée du 31 juillet au 2 août 1962 à Dar es Salam, en Tanzanie, en pleine période de décolonisation. Cette rencontre  

marque la fondation de l’ Organisation Panafricaine des Femmes (OPF), une structure militante et politique visant à coordonner les luttes des femmes à l’échelle du continent. 

Participèrent à cette conférence des militantes venues d’une quinzaine de pays africains, dont l’Algérie, le Mali, le Ghana, la Guinée, le Nigeria, le Sénégal, la Tanzanie, ou encore l’Égypte. Ces femmes, issues de mouvements syndicaux, de partis politiques ou d’associations de base, portaient une revendication claire : les femmes doivent être des actrices à part entière de la construction des États africains postcoloniaux. 

Cette rencontre acta la nécessité d’un féminisme panafricain, solidaire, ancré dans les luttes populaires et décoloniales, qui articulerait l’émancipation des femmes à celle de leurs peuples. « Les femmes africaines doivent lutter pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs nations. Elles ne peuvent être en marge des décisions. »  Aoua Kéita, sage-femme et militante malienne, seule femme signataire du manifeste du Parti africain de l’indépendance (PAI).

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Féminisme africain : entre invisibilisation et résistance 

La marginalisation de cette journée est révélatrice d’un phénomène plus large : l’invisibilisation des luttes des femmes africaines dans les récits historiques, politiques et même féministes dominants. Dans les manuels scolaires, peu de traces des figures fondatrices comme Jeanne Martin Cissé (Guinée), Aoua Kéita (Mali), Fatoumata Diallo (Guinée), ou Margaret Ekpo (Nigeria), qui furent pourtant en première ligne des mouvements d’indépendance. 

Le 31 juillet est donc une journée de réappropriation historique, un moment pour déconstruire les stéréotypes de passivité attribués aux femmes africaines, et remettre à l’honneur ces femmes dans les luttes anticoloniales, les syndicats, les mouvements paysans ou les mobilisations urbaines. 

Aujourd’hui encore, de nombreuses militantes féministes africaines revendiquent une lecture intersectionnelle des oppressions subies : elles dénoncent non seulement le patriarcat, mais aussi les effets croisés du néocolonialisme, de l’extractivisme, du capitalisme globalisé et de la pauvreté structurelle. 

Entre reconnaissance et mobilisation : pourquoi célébrer le 31 juillet ?   

Célébrer la Journée internationale de la femme africaine, ce n’est pas uniquement rendre hommage aux figures historiques. C’est aussi mettre en lumière les combats contemporains, ceux des femmes qui, au quotidien, transforment les réalités sociales, économiques, politiques et culturelles de leurs pays. 

Voici quelques axes que cette journée permet de mettre en valeur : 

 1. L’accès à l’éducation et aux savoirs 

Malgré des progrès, des millions de filles en Afrique subsaharienne n’ont toujours pas accès à une éducation de qualité. Des initiatives citoyennes et associatives portées par des femmes (enseignantes, chercheuses, militantes) ouvrent la voie à une éducation décolonisée et émancipatrice. 

 2. Les luttes paysannes et écologiques 

Dans de nombreuses régions rurales, les femmes sont les gardiennes des savoirs agraires, les premières touchées par les effets du changement climatique, mais aussi les premières à proposer des solutions locales durables. Des réseaux comme le Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts (REFACOP) illustrent cette dynamique. 

 3. L’autonomisation économique et le leadership 

Partout sur le continent, des femmes entrepreneures, commerçantes, artisanes ou ingénieures transforment les économies locales et redéfinissent le leadership. Le 31 juillet est l’occasion de visibiliser cette puissance économique trop souvent informelle et non reconnue. 

 4. Les mobilisations citoyennes 

De la RDC au Soudan, du Sénégal à l’Afrique du Sud, des femmes se lèvent pour défendre la démocratie, dénoncer les violences, porter des alternatives. Elles sont souvent en première ligne dans les mouvements de résistance, comme en témoigne le rôle des Mères de Goma, des femmes du Hirak en Algérie, ou des mouvements féminins Ougandais pour les droits humains.  

Et demain ? Construire les luttes de l’avenir 

La célébration du 31 juillet doit être réinvestie par les nouvelles générations. Universitaires, journalistes, artistes, travailleuses, étudiantes… les jeunes femmes africaines peuvent transformer cette journée en un espace de réflexion collective et de solidarité active.   

Il s’agit de produire des savoirs, des images, des récits alternatifs, mais aussi de revendiquer des droits, de lutter contre les violences, de créer des ponts entre générations, entre ruralité et urbanité, entre local et panafricain. Des penseuses comme Oyeronke Oyewumi, Amina Mama, Sylvia Tamale, Rose Ndengue ou encore Nathalie Etoke ont contribué à faire émerger des cadres théoriques ancrés dans les histoires, langues et contextes africains. 

« Il n’y a pas de libération des femmes sans décolonisation des esprits. » 
— Amina Mama, chercheuse nigériane, pionnière des études de genre en Afrique 

Quelques pistes d’action : 

  • Organiser des conférences ou tables rondes dans les universités ; 
  • Valoriser les figures féminines locales et communautaires ; 
  • Créer des contenus numériques (podcasts, visuels, vidéos) pour vulgariser l’histoire de la JIFA ; 
  • Revendiquer son inscription dans les calendriers officiels ; 
  • Éduquer, sensibiliser et inspirer dans les langues africaines. 

Conclusion 

Le 31 juillet n’est pas seulement une date : c’est un appel à la mémoire, à la reconnaissance et à l’action. C’est une journée pour honorer les pionnières, soutenir les actrices du présent et préparer les combats de demain. En tant que média engagé, L’Étudiant Africain se tient aux côtés de toutes celles et ceux qui, depuis les marges ou les centres, œuvrent pour une Afrique féminine, inclusive et souveraine. 

« Notre libération est notre devoir. » 
— Déclaration finale de la Conférence de Dar es Salam, 1962 

 

Références et bibliographie 

  1. Aoua Kéita, Femme d’Afrique : La vie d’Aoua Kéita racontée par elle-même, Présence Africaine, 1975. 
  2. Amina Mama, Beyond the Masks: Race, Gender and Subjectivity, Routledge, 1995. 
  3. Oyeronke Oyewumi, The Invention of Women: Making an African Sense of Western Gender Discourses, University of Minnesota Press, 1997. 
  4. Fatou Sow (dir.), La recherche féministe francophone : Langues, savoirs, mobilisations, Karthala, 2012. 
  5. Sylvia Tamale (dir.), African Sexualities: A Reader, Pambazuka Press, 2011. 
  6. OPF, Archives de l’Organisation Panafricaine des Femmes, accessible via le site de l’Union Africaine. 
  7. Jeanne Martin Cissé, Je suis née en Guinée, Éditions L’Harmattan, 2002. 


 


 

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