Santé mentale dans les universités africaines : État des lieux et perspectives

INTRODUCTION 

La santé mentale demeure un enjeu largement sous-estimé dans les universités africaines, alors même qu’elle constitue l’un des piliers essentiels de la réussite académique et du développement humain. Entre la pression des résultats, la gestion de la vie personnelle et les incertitudes socio-économiques, l’étudiant se retrouve souvent à naviguer dans un océan d’exigences qui fragilisent son équilibre psychologique. 

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « la santé mentale est un état de bien-être permettant à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler de manière productive et d’apporter une contribution à la communauté ». L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ajoute qu’elle renvoie à la capacité de ressentir, penser et agir de manière à profiter de la vie, affronter les défis quotidiens et participer efficacement à la vie sociale. Ces définitions convergent vers une idée centrale : la santé mentale est à la fois un moteur et un révélateur du bien-être humain. 

 

Une problématique souvent reléguée au second plan 

Les universités africaines sont des milieux où convergent multiples facteurs de stress : charge de travail académique, difficultés financières, précarité sociale, crises sécuritaires, éloignement familial, etc. Dans des pays touchés par l’insécurité comme ceux de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger), de nombreux étudiants vivent également des traumatismes liés à la perte de proches. 

Pourtant, les services d’accompagnement psychologique sont quasi inexistants ou insuffisants. Des études démontrent que 25 % des étudiants africains souffrent de troubles anxieux ou dépressifs (OMS, 2020). Une étude qualitative menée auprès de 348 étudiants indique que : 

– 10,05 % présentent une dépression légère à modérée. 

– 19,25 % souffrent d’anxiété légère à sévère. 

– 3,15 % affichent un stress allant de léger à modéré. 

(BONABE Bene, 2023) 

Ces chiffres témoignent d’une réalité alarmante : une détresse silencieuse, souvent invisible, mais profondément ancrée. 

 

Hervé OUOBA, étudiant en master 1 d’histoire à l’Université Joseph Ki-Zerbo, confie : « La santé mentale ne doit pas être prise à la légère. Beaucoup d’étudiants sombrent non pas parce qu’ils manquent de nourriture, mais parce qu’ils sont déprimés ou submergés par le stress. »   

Pour Frédéric KONDITAMIDE, étudiant dans la même université, les causes sont multiples : « Certains sont dépassés par la pression académique, d’autres par des problèmes affectifs. Beaucoup peinent à concilier vie personnelle et études. » 

 

Une responsabilité partagée : institutions, enseignants, familles et étudiants 

Selon Kabissiga Lompo, étudiant en philosophie, « la situation actuelle est critique et appelle à une responsabilité collective ». Le manque d’infrastructures spécialisées est particulièrement pointé du doigt. Laetitia Katiou, étudiante en communication, insiste : « Il faut créer des structures d’écoute. Les étudiants ont besoin d’être entendus. » 

L’UNESCO rappelle en 2024 que « le bien-être psychosocial des enseignants et formateurs est essentiel à la qualité de l’éducation », ajoutant que leur rôle dépasse la transmission des savoirs pour inclure accompagnement émotionnel et orientation. 

Les familles jouent également un rôle déterminant. Comme le souligne Hervé OUOBA : « Pour beaucoup de parents, la santé mentale renvoie à la folie. Il faut les sensibiliser afin qu’ils soutiennent réellement leurs enfants au lieu de les juger. » 

Perspective et leviers d’action 

L’amélioration de la santé mentale dans les universités africaines passe par : 

– la création de centres de soutien psychologique ;   

– la formation du personnel académique à la détection des signes de détresse ;   

– des campagnes d’information et de sensibilisation ;   

– l’intégration de dispositifs d’accompagnement psychosocial dans les politiques universitaires ;   

– la mise en place de lignes d’écoute ou de plateformes numériques anonymes.   

Des initiatives innovantes, comme des clubs de bien-être, des ateliers de gestion du stress ou des programmes de mentorat, peuvent également servir de leviers pour renforcer la résilience étudiante. 

 

CONCLUSION 

La santé mentale des étudiants est un enjeu majeur dans les universités africaines. Agir pour leur bien-être psychologique, c’est investir dans la réussite académique, l’épanouissement personnel et la construction d’une société plus harmonieuse et inclusive. La responsabilité est partagée, et chaque acteur institution, famille, enseignant, étudiant doit jouer sa partition pour prévenir la détresse et promouvoir un environnement propice à l’équilibre et à la réussite. 

 

RÉFÉRENCES 

– Organisation mondiale de la santé (OMS), 2020.   

– Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).   

– BONABE Bene, « Tendances actuelles dans les universités ouest-africaines : détresse psychologique et qualité de vie », 2023.   

– UNESCO, Rapport sur le bien-être psychosocial dans l’éducation, 2024.   

– Témoignages d'étudiants de l’Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou (2025). 

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