L’Afrique regorge de femmes scientifiques brillantes, trop souvent invisibilisées malgré l’ampleur de leurs contributions. À travers leurs recherches, leurs publications et leurs engagements, ces chercheuses renversent les stéréotypes, enrichissent la science mondiale et s’imposent comme des modèles. Cet article met en lumière cinq figures issues de différentes régions du continent et de la diaspora. Elles incarnent l’intelligence, la rigueur et la résilience, et méritent d’être (re)découvertes, car leurs trajectoires inspirent une jeunesse africaine avide de savoir, d’innovation et d’équité.
1. Tebello Nyokong (Lesotho – Afrique du Sud) : la pionnière de la chimie verte
Née au Lesotho et formée en Afrique du Sud, Tebello Nyokong est devenue une référence mondiale dans le domaine de la photodynamique, une technique aujourd’hui utilisée pour le traitement de certains cancers (African Academy of Sciences, 2024).
Au-delà de ses découvertes scientifiques, elle milite activement pour l’accès des jeunes filles africaines aux carrières scientifiques, ce qui lui a valu le surnom de « Marie Curie africaine ». Lauréate du prix L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science en 2009, elle a aussi été décorée de l’Ordre du Baobab. Son travail contribue directement à développer des traitements médicaux adaptés et à renforcer la place des chercheurs africains dans la lutte mondiale contre le cancer.
2. Fatou Sow (Sénégal) : une voix féministe et sociologue engagée
Directrice de recherche au CNRS en France et coordinatrice du réseau FEMNET, Fatou Sow est l’une des pionnières des études féministes en Afrique de l’Ouest. Ses travaux analysent les rapports de genre au Sénégal et dans la sous-région (Le Monde Afrique, 2023).
En proposant de nouvelles catégories d’analyse ancrées dans les réalités africaines, elle invite à repenser les modèles importés d’Occident. Ses recherches nourrissent des programmes éducatifs et des politiques publiques qui intègrent davantage les questions d’égalité, contribuant ainsi à transformer la société par la pensée critique et l’action féministe.
3. Rose Leke (Cameroun) : immunologiste et militante pour la santé mondiale
Professeure émérite à l’Université de Yaoundé I, Rose Gana Leke s’est imposée comme l’une des plus grandes expertes africaines du paludisme (The Lancet Global Health, 2022). Ses recherches, notamment sur la transmission mère-enfant, ont permis d’améliorer les stratégies de prévention et de traitement dans plusieurs pays.
Son engagement dépasse la recherche pure : en dirigeant le programme Higher Women Scientists (HWS), elle ouvre des perspectives à une nouvelle génération de chercheuses africaines. Son action a donc un double impact : sauver des vies par ses travaux médicaux et renforcer la présence des femmes dans les sciences de la santé.
4. Rita Kezaabu (Ouganda – diaspora) : une voix forte pour la justice reproductive
Basée aux États-Unis, Rita Kezaabu mène des recherches en santé publique sur les droits sexuels et reproductifs des adolescentes africaines. Ses travaux (ResearchGate, 2023) mettent en lumière les obstacles socioculturels qui freinent l’éducation des filles et limitent leur accès aux soins.
À la croisée de la science et du plaidoyer, elle milite pour des politiques publiques inclusives, fondées sur des données locales et contextualisées. Son action contribue directement à promouvoir une éducation sexuelle adaptée, essentielle pour réduire les grossesses précoces et améliorer la santé reproductive des jeunes filles africaines.
5. Habiba Bouhamed Chaabouni (Tunisie) : pionnière de la génétique en Afrique du Nord
Médecin et professeure à la Faculté de médecine de Tunis, Habiba Bouhamed Chaabouni est reconnue pour ses travaux sur la génétique des populations et les conséquences sanitaires des mariages consanguins.
Ses recherches ont conduit à l’introduction de politiques de dépistage prénatal en Afrique du Nord, permettant de mieux prévenir certaines maladies héréditaires (ResearchGate, 2024). En 2006, elle a reçu le prix L'Oréal-UNESCO pour les femmes et la science, une reconnaissance internationale pour ses contributions décisives à la santé publique dans la région.
Conclusion : des modèles pour réconcilier science, Afrique et engagement
Ces cinq chercheuses incarnent une science connectée aux réalités locales, ouverte sur le monde et profondément humaine. Leurs travaux n’ont pas seulement enrichi la connaissance : ils ont eu un impact concret sur la santé publique, l’éducation, la justice sociale et les politiques africaines.
En (re)découvrant leurs parcours, c’est toute une nouvelle génération d’Africains et d’Africaines que l’on inspire à croire en leur potentiel. Leurs voix rappellent que l’excellence scientifique africaine existe, qu’elle mérite d’être valorisée et racontée, surtout par et pour les Africains eux-mêmes.
Références
- UNESCO, Women in Science, 2023.
- African Academy of Sciences, Profils scientifiques, 2024.
- Fondation L'Oréal-UNESCO, For Women in Science, 2006 et 2009.
- WHO, Health Equity & Malaria Research, 2023.
- The Lancet Global Health, Profil Rose Leke, 2022.
- Le Monde Afrique, Interview Fatou Sow, 2023.
- ResearchGate : profils scientifiques (Kezaabu, Nyokong, Chaabouni), 2023–2024.