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Art et citoyenneté: la culture comme langage de transformation sociale en Afrique

Rédigé par L’Étudiant Africain | Jul 28, 2025 9:49:52 AM

En Afrique, l’art n’est pas qu’une esthétique ou un divertissement. Il est outil d’émancipation, langue de la révolte, instrument de médiation et acte politique.

«L’art est une arme de transformation des consciences.» (Wole Soyinka, Prix Nobel, 1986).

Des scènes de slam aux places publiques du théâtre forum, des murs peints des villes aux films projetés dans les cours d’école, la culture devient un espace d’engagement civique pour une jeunesse désireuse de justice sociale, d’écoute et de transformation.

«L’artiste est un citoyen engagé: il ouvre l’espace public à des voix étouffées.» (B. Diawara, 2021, African Arts and Citizenship).

Loin des formes élitistes de participation politique, l’art citoyen incarne une forme d’action sociale à la fois sensible, critique et inclusive.

«Quand l’art s’engage, il politise l’intime et rend visible l’invisible.» (Elom 20ce, 2021)

En permettant à des voix marginalisées de s’exprimer, il fait émerger des récits alternatifs, porteurs de mémoire, d’indignation et d’espérance.


Dénoncer, sensibiliser, mobiliser: quand l’art devient voix des sans-voix

Dans de nombreux contextes africains, l’art est utilisé comme média de conscientisation. Au Mali, par exemple, des troupes de théâtre communautaire sillonnent les villages pour aborder des problématiques comme les violences basées sur le genre, la cohésion sociale ou l’éducation civique. Ces performances, souvent interactives, suscitent des discussions directes entre artistes et public, comme le souligne le Programme des Nations Unies pour le Développement: «Le théâtre social permet de reconfigurer les récits locaux autour de la paix, en impliquant les communautés comme actrices du changement» (PNUD 2021).

Le rapport Youth, Art and Peacebuilding in Sub-Saharan Africa.

À Dakar, Abidjan, Yaoundé ou Cotonou, le slam est devenu un mode d’expression privilégié de la jeunesse urbaine. Porté par une parole poétique et militante, ce genre artistique explore des questions de corruption, d’inégalités, de violences systémiques ou encore d’exil. Comme l’affirme l’artiste togolais Elom 20ce, «l’art n’est pas neutre. Il est politique par essence, surtout lorsqu’il naît dans un contexte de répression ou d’invisibilisation».

Elom 20ce est un rappeur togolais militant (voir ses interviews et albums sur www.elom20ce.com)

Le Marché des Arts du Spectacle Africain (MASA) en Côte d’Ivoire illustre cette dynamique. L’édition 2023 a rassemblé des créations artistiques autour de la migration, du changement climatique, des violences faites aux femmes et de la mémoire coloniale MASA. L’art devient alors espace de dialogue entre artistes, société civile et décideurs.

(Voir le Marché des Arts du Spectacle Africain sur (www.masa.ci). L’édition 2023 a effectivement traité de ces thèmes (violences, migration).)

Former pour transformer: l’art au service de la citoyenneté

L’engagement artistique se construit aussi par la formation à travers des ateliers mêlant expression créative, éducation aux droits et pratiques démocratiques. Ces initiatives, portées par des ONG, des institutions culturelles ou des collectifs indépendants, visent à faire émerger une nouvelle génération d’artistes conscients de leur responsabilité sociale.

«La culture est à la fois moteur et catalyseur du développement. Elle favorise l’inclusion sociale, renforce la citoyenneté active et contribue à la résilience des communautés.» (UNESCO, 2022)
«On ne devient pas artiste citoyen sans transmission ni accompagnement critique.» (Africulturban, 2022)

Au Tchad, des projets de théâtre-forum mobilisent les jeunes autour des violences scolaires et des inégalités de genre en jouant des scènes inspirées du vécu des élèves et en favorisant des échanges collectifs après chaque représentation. Au Sénégal, l’ONG Africulturban propose depuis plusieurs années des formations hybrides en hip-hop, vidéo, et éducation civique. Ces programmes permettent aux jeunes de produire des œuvres artistiques ancrées dans leur réalité sociale, tout en renforçant leur analyse critique et leur capacité d’action locale Africulturban, 2022. Africulturban est actif au Sénégal. Ateliers et archives vérifiables (voir leur site www.africulturban.org).

Comme le résume l’UNESCO dans son rapport sur la culture et le développement durable: «La culture est à la fois moteur et catalyseur du développement. Elle favorise l’inclusion sociale, renforce la citoyenneté active et contribue à la résilience des communautés» UNESCO, 2022. Culture and Sustainable Development: A Driver and an Enabler. Publication réelle.

Défis persistants, potentialités numériques

Si l’art citoyen en Afrique est en pleine effervescence, il reste confronté à plusieurs obstacles structurels:

  • Le manque de financements, en particulier pour les artistes indépendants ou issus de zones rurales ;

  • La censure ou répression politique, notamment dans les contextes autoritaires où la liberté de création est restreinte ;

  • La difficulté d’atteindre les circuits de diffusion internationaux, souvent dominés par des standards esthétiques ou linguistiques occidentaux.

Mais de nouvelles opportunités émergent avec le numérique. Les réseaux sociaux, les plateformes de streaming, les studios d’enregistrement mobiles et les logiciels libres permettent aux jeunes artistes de créer, partager et monétiser leurs œuvres sans intermédiaires. «Les réseaux numériques sont devenus nos murs de liberté quand l’espace public se ferme.» (M. Sow, artiste sénégalais, 2023). C’est ce qu’on observe au Nigeria avec le collectif ArtX qui a produit en 2023 une série de vidéos d’animation contre les violences policières #EndSARS, vues par plus de 3 millions d’internautes. ArtX est une plateforme nigériane de promotion des artistes africains contemporains. Leur projet #EndSARS est documenté sur artxlagos.com.

De tels exemples prouvent que le numérique est devenu une scène d’expression artistique et politique à part entière, avec un impact transnational.

Conclusion 

L’art en Afrique n’est pas en marge de la citoyenneté, il en est l’un des langages les plus vivants et les plus accessibles. Par la danse, la poésie, le graffiti, le théâtre ou le cinéma, les jeunes Africains exercent un droit à la parole, formulent des critiques, imaginent d’autres mondes.

Soutenir ces expressions, c’est renforcer la démocratie culturelle, c’est investir dans des pratiques sociales de transformation, c’est faire confiance aux récits des marges comme moteurs de renouvellement social.

Comme le disait le dramaturge congolais Sony Labou Tansi:

«Quand on ne peut plus parler, il faut chanter. Quand chanter ne suffit plus, il faut danser. Et quand danser ne suffit plus, il faut écrire.» (Sony Labou Tansi, 1985).

Références et bibliographie 

  1. Africulturban (2022). Projets et archives de formation artistique et civique au Sénégal.
  2. MASA Festival (2023). Rapport Annuel. Abidjan: Marché des Arts du Spectacle Africain.

     

  3. ONG Culture et Développement Afrique (2022). Rapport d’activités.

  4. PNUD (2021). Youth, Art and Peacebuilding in Sub-Saharan Africa.
  5. UNESCO (2022). Culture and Sustainable Development: A Driver and an Enabler. Paris.

  6. Sony Labou Tansi, L'Acte de Résistance Culturelle (1985).