Comment les chercheurs en Afrique intègrent-ils activement les perspectives de genre dans leurs travaux de recherche sociale pour garantir une représentation équilibrée des expériences masculines et féminines ?
Les discours sur le genre et les rapports sociaux de sexe ont d’abord pris de court, dans les années 1970, la communauté africaine des chercheurs en sciences sociales. Celle-ci était pourtant en pleine ébullition, mais privilégiait d’autres thèmes jugés alors majeurs. Au lendemain des indépendances, leurs priorités étaient, en effet, directement liées à la fin de la colonisation et aux besoins d’asseoir l’indépendance de manière stable. Elles renvoyaient principalement aux questions de développement et de renaissance culturelle, de construction de l’État et d’unité nationale, de mise en cause du néocolonialisme et de définition de nouveaux modes d’exercice du pouvoir politique. Ces options ont généré un type de pensée « politiquement correct », où la question féminine et celle des relations entre hommes et femmes apparaissaient comme secondaires, voire futiles. La prise en compte d’une problématique féministe émergeant en tant que réflexion à la fin des années 1970, et se réclamant du champ scientifique prit du temps. Mais on peut affirmer, au début des années 2000, que la prise de conscience de la question des femmes et des rapports sociaux de sexe est établie malgré les controverses qui subsistent. La tenue à Abidjan d’un colloque international « Genre, population et développement en Afrique », qui a mobilisé un nombre important de chercheurs des deux sexes, de plusieurs nationalités et de compétences multiples, avec l’appui d’institutions académiques et étatiques, témoigne du chemin parcouru. Cela renforce le climat favorable aux initiatives pour ancrer ce nouveau champ disciplinaire dans les sciences sociales en Afrique.
Aujourd'hui, pour activement intégrer les perspectives de genre dans leurs travaux de recherche sociale et garantir une représentation équilibrée des expériences masculines et féminines, de nombreux chercheurs et organismes de recherche s'appuient sur la représentativité genre de l'échantillon de population étudiée. Afin de s'assurer que les réalités masculines et féminines du phénomène social étudié seront prises en compte
Quelles sont les approches méthodologiques adoptées pour s'assurer que la recherche sociale en Afrique est sensible au genre, en prenant en compte les nuances des expériences vécues par les hommes et les femmes ?
Dans les études environnementales par exemple, de nombreuses approches méthodologiques sont utilisées pour s'assurer que la recherche sociale est sensible au genre. Dans ce cadre, de nombreuses approches méthodologiques sont mises en avant. C'est le cas de :
- L’approche de l’Intégration de la Femme au Développement (IFD)
Le concept original d’IFD était basé sur l’impact négatif des programmes de développement sur les activités économiques des femmes. La tendance des agences financières internationales ayant été axée surtout sur une approche «assistancielle» et de bien-être, les femmes furent perçues principalement dans leur rôle de mère et comme des bénéficiaires passives du développement. Avec l’approche des besoins essentiels, il devint plus facile de parler d’équité dans les projets de développement et de demander que les femmes fassent partie intégrante de la planification et de la mise en œuvre des projets (Boserup, 1990) - L’approche genre et développement (GED)
Cette approche permet d’intégrer les concepts de position des groupes sociaux, de besoins pratiques des femmes et des hommes, de participation des populations et d’empowerment des groupes démunis. Enfin, l’approche sociologique selon le genre constitue une grille d’analyse appropriée pour la réalisation d’études d’impact sur le milieu humain en environnement, car elle s’appuie sur la compréhension holistique des réalités diverses qui tissent les relations hommes/femmes dans le monde et dans le milieu naturel. Trois éléments essentiels la caractérisent. Elle est relationnelle, globale et vise la transformation sociale.
Dans quelle mesure les études de recherche sociale axées sur le genre en Afrique influent-elles sur l'élaboration des politiques publiques, en particulier en ce qui concerne l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ?
Les travaux de recherche sociale axées sur le genre en Afrique influencent sur l'élaboration des politiques publiques. Par exemple, dans la problématique du genre dans la gouvernance foncière en Afrique, de nombreux résultats d'études relèvent que l'Afrique de l'Ouest est la partie du continent où les inégalités entre hommes et femmes sont parmi les plus fortes. Qu'en Afrique en général, malgré le rôle important des femmes agricultrices dans la production alimentaire locale (65,6 %), mais aussi dans le commerce (67, 4 %) et dans la transformation (78,6 %), seulement 13 % sont propriétaires des terres (FAO, 2015). L’analyse de ces données montre simplement que les modes d'accès à la terre donnent aux hommes le contrôle sur les terres, tandis que les femmes, bénéficient d'un accès précaire, non durable, discriminatoire, désavantagé.
Ces travaux de recherche sociale axées sur le genre dans la gouvernance foncière en Afrique ont influencé l'élaboration des politiques publiques en faveur à la situation foncière de la femme. Au Cameroun par exemple, l'État a pris des mesures qui favorisent l'accès équitable des hommes et des femmes à la terre, même si des restrictions socioculturelles persistent.
Comment les chercheurs collaborent-ils avec les communautés locales et les groupes de femmes pour garantir que les recherches intègrent leurs voix et répondent aux besoins spécifiques de ces groupes ?
En concentrant une grande partie de leurs activités aux études diagnostiques sur les inégalités de genre. En renforçant régulièrement les capacités des femmes sur des thématiques précises.
Bibliographie
- Boserup, E. "Les femmes dans le développement économique."
- FAO. "Le rôle des femmes dans l'agriculture." 2015.
- Colloque international "Genre, population et développement en Afrique." Abidjan.