Dans les sociétés sahéliennes où les conflits intercommunautaires fragilisent le tissu social, le mariage traditionnel peut devenir un levier insoupçonné de paix et de réconciliation.
Le Sahel, espace géographique aux frontières poreuses et à la riche diversité ethnique, est confronté depuis plusieurs années à des tensions liées à la terre, au pastoralisme, à la religion ou encore à l’accès aux ressources. Dans ce climat de méfiance et de rivalités parfois anciennes, certaines pratiques coutumières résistent au chaos et offrent des solutions durables pour retisser les liens entre les peuples.
Parmi elles, le mariage traditionnel interethnique apparaît comme un outil de pacification. Selon l’International Crisis Group, « dans plusieurs régions du Niger, du Burkina Faso ou du Mali, des unions ont été organisées entre communautés naguère ennemies, avec l’implication active des chefs coutumiers, des familles et des jeunes » (ICG, 2022). Ces mariages ont une dimension symbolique forte, : ils réaffirment des alliances ancestrales, restaurent la confiance et renforcent la solidarité entre groupes.
Les chefs de village, les anciens et les notables jouent un rôle déterminant dans ces processus. Ils organisent les négociations, rappellent les pactes d’entraide passés, et mobilisent les réseaux familiaux. Dans certaines zones du centre du Mali, par exemple, des mariages entre Peuls et Dogons ont permis de calmer les tensions liées aux affrontements communautaires, favorisant une reprise du dialogue local (AFRILAW, 2021).
Les jeunes ne sont pas en reste : dans des localités du nord du Burkina Faso, des mouvements associatifs dirigés par des jeunes femmes ont organisé des cérémonies collectives de mariage entre membres de groupes autrefois opposés. Ces initiatives participent à ce que l’African Studies Review appelle la « diplomatie coutumière informelle », capable de compléter ou de suppléer les mécanismes étatiques de résolution des conflits (ASR, 2020).
Dans un contexte où les accords de paix officiels peinent à être appliqués, reconnaître la valeur des pratiques endogènes peut enrichir les stratégies de stabilisation. Le mariage traditionnel n’est pas une solution magique, mais il illustre la capacité des sociétés sahéliennes à puiser dans leur culture pour prévenir les violences.
Comme le rappelle un chef peul cité dans un rapport d’Afrilaw : « Quand ton gendre est de l’autre camp, tu réfléchis deux fois avant de prendre les armes. »