Dans un Sahel en proie aux conflits armés, à la violence extrémiste et à la fragmentation sociale, les jeunes femmes, trop souvent reléguées à la marge des processus décisionnels, s’imposent peu à peu comme des bâtisseuses de paix.
Traditionnellement exclues des sphères de pouvoir, les jeunes femmes sahéliennes ont longtemps été perçues comme des victimes passives des conflits. Pourtant, elles jouent un rôle fondamental dans la cohésion des communautés, la prévention de la radicalisation et la reconstruction du lien social. Leur engagement prend des formes multiples comme dialogue intergénérationnel, sensibilisation à la non-violence, médiation communautaire ou encore éducation à la paix.
Comme le souligne ONU Femmes, « la participation des femmes aux processus de paix augmente de 35 % la probabilité que les accords soient durables » (ONU Femmes, 2023). Au Sahel, cette réalité prend tout son sens à travers les parcours de jeunes femmes engagées malgré les pesanteurs sociales et les menaces sécuritaires.
À Tombouctou, Aïcha organise des forums communautaires qui réunissent jeunes, leaders religieux et anciens combattants pour déconstruire les discours de haine. À Niamey, Fatimata lance une campagne numérique contre l’enrôlement des mineurs via TikTok et WhatsApp. À Ouahigouya, Mariam crée un réseau d’éducatrices de paix dans les écoles rurales pour apprendre aux enfants à résoudre les conflits par le dialogue.
Ces actions, souvent discrètes mais efficaces, sont soutenues par des organisations comme Plan International à travers le projet Sahel Women and Girls Resilience, ou encore le G5 Sahel, qui promeut l’intégration des femmes dans les dispositifs de sécurité (Plan International, 2023 ; G5 Sahel, 2022).
Face à cette crise, des initiatives locales, souvent portées par des ONG ou des jeunes eux-mêmes, émergent. Des « écoles communautaires » voient le jour dans les camps de déplacés. Des programmes de radio éducative permettent de continuer à apprendre à distance. Des enseignants bénévoles s’engagent malgré les menaces. L’UNESCO souligne aussi l’importance de former des éducateurs à l’accompagnement psychosocial et de renforcer la sécurité autour des établissements (UNESCO, 2023). Cette résilience montre qu’en dépit du chaos, l’envie d’apprendre demeure forte. Mais sans soutien logistique, financier et politique, ces efforts resteront marginaux.
Dans un contexte marqué par les déplacements forcés, les menaces djihadistes et l’effondrement des services publics, ces jeunes femmes font preuve de résilience et d’innovation sociale. Elles créent des espaces d’écoute, mobilisent les réseaux sociaux comme outils de prévention et agissent souvent sans protection ni reconnaissance institutionnelle.
« Quand les jeunes femmes prennent la parole, c’est la société entière qui se met en mouvement », confiait récemment une militante malienne lors d’un forum local.
Construire la paix au Sahel sans les femmes, et en particulier sans les jeunes femmes, est une illusion. Leur implication doit être renforcée par des mécanismes de financement adaptés, des formations, et un accès réel aux espaces de décision. Le Sahel de demain ne pourra se reconstruire qu’en valorisant toutes ses forces vives et les jeunes femmes en sont une, essentielle.