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L’entrepreneuriat Jeune au Cameroun

Rédigé par Darelle Moluh | Aug 18, 2025 9:00:00 AM

Au Cameroun, plus de 60 % de la population a moins de 25 ans (INS, 2021), une donnée démographique qui représente à la fois un défi et une opportunité. Dans un contexte où le marché de l’emploi formel peine à absorber cette masse de jeunes qualifiés, l’entrepreneuriat apparaît comme une alternative stratégique. Il permet à la jeunesse de s’insérer professionnellement, d’innover et de contribuer activement au développement local. Mais cette dynamique, bien que prometteuse, est freinée par de nombreux obstacles liés au financement, à la formation et à l’environnement réglementaire.

Cet article analyse les réalités de l’entrepreneuriat jeune au Cameroun à travers des cas concrets, en identifiant les défis clés et en proposant des pistes d’amélioration.

 

Dynamique, Défis et Perspectives

Selon une enquête de la GIZ Cameroun (2020), près de 78 % des jeunes entrepreneurs considèrent le manque de capital comme leur principale difficulté, les institutions financières demeurant réticentes à financer des profils jugés « à risque » sans garanties solides. À cela s’ajoute un accompagnement insuffisant, puisque les structures d’appui, notamment les incubateurs, se concentrent surtout sur la phase de lancement et négligent le suivi nécessaire aux étapes de croissance et de formalisation (Ndongo, 2022). Enfin, la complexité administrative reste un obstacle majeur : malgré la mise en place du Guichet Unique, les démarches d’immatriculation demeurent longues et lourdes, particulièrement en zones rurales, où le déficit de numérisation limite l’agilité des microentreprises.

 

Des initiatives concrètes et inspirantes

Lauriane Mvondo et “Gifted Hands”, Yaoundé

Diplômée en biochimie, Lauriane crée en 2019 une entreprise de cosmétiques naturels à base de produits locaux comme l’huile de neem et le beurre de cacao. Soutenue par ActivSpaces, elle reçoit un accompagnement technique et un microfinancement pour structurer son offre. « Le plus dur, c’est de maintenir la qualité sans ressources suffisantes. Mais chaque commande est une victoire. » Lauriane Mvondo (Entretien personnel, 2023). Aujourd’hui, ses produits sont distribués dans quatre villes, preuve que l’innovation locale peut séduire au-delà des frontières urbaines.

Jean-Yves Nguemo et “AgriBoost” – Bafoussam

Jean-Yves, agronome, lance en 2021 une plateforme numérique pour relier jeunes producteurs ruraux aux marchés urbains. Son système offre traçabilité et logistique locale. Son projet est confronté à des défis fiscaux et à l’absence de soutien juridique adapté, freinant son expansion. « Sans un cadre légal accessible, beaucoup de jeunes abandonnent leur projet. », Nguemo (2022). AgriBoost illustre l’importance de l’aggrotech dans la modernisation du secteur agricole camerounais.

Félicité Ngongang et “Ndop Création”, Bamenda

Passionnée par le textile patrimonial, Félicité crée une marque qui valorise le tissu traditionnel ndop en l’intégrant dans la mode urbaine. Sa boutique en ligne attire une clientèle internationale, prouvant que tradition et modernité peuvent coexister. Son initiative renforce l’idée que l’entrepreneuriat peut aussi être un outil de valorisation culturelle.

 

Défis Majeurs Rencontrés par les Jeunes Entrepreneurs

D’après une enquête de la GIZ Cameroun (2020), près de 78 % des jeunes entrepreneurs citent le manque de capital comme leur principale difficulté, les institutions financières demeurant prudentes vis-à-vis de profils jugés « à risque » en l’absence de garanties solides. Par ailleurs, l’accompagnement reste insuffisant, car les structures d’appui, notamment les incubateurs, se concentrent surtout sur la phase de lancement, laissant les porteurs de projets sans véritable soutien lors des étapes cruciales de croissance et de formalisation (Ndongo, 2022). À cela s’ajoute la complexité administrative : malgré l’instauration du Guichet Unique, les démarches d’immatriculation demeurent longues et contraignantes, surtout en zones rurales, où le déficit de numérisation ralentit l’agilité et l’évolution des microentreprises.

 

 

Perspectives et Recommandations 

L’intégration de l’éducation entrepreneuriale dans le système académique, notamment à travers des modules pratiques dès le secondaire, favoriserait le développement de l’esprit entrepreneurial, comme en témoignent les initiatives déjà expérimentées à l’Université de Dschang et à celle de Douala avec des clubs d’innovation et des projets de start-ups étudiantes. Parallèlement, le mentorat intergénérationnel, illustré par des projets tels que Youth Mentorship Cameroon qui relient jeunes porteurs d’idées et chefs d’entreprises expérimentés, constitue un levier important pour le transfert de compétences et la consolidation de la confiance. La digitalisation des outils entrepreneuriaux joue également un rôle clé, avec des plateformes comme Waspito ou Seedstars qui proposent des services en ligne allant des conseils au financement participatif et à la mise en réseau professionnelle, même si l’extension de ces solutions aux zones faiblement connectées demeure un défi majeur. Enfin, une révision de la fiscalité des microentreprises, par l’allègement ou l’exonération temporaire des charges, favoriserait la formalisation des activités des jeunes, et une approche différenciée selon les territoires urbains ou ruraux permettrait de renforcer l’équité.

Malgré les défis, plusieurs opportunités émergent. Le numérique réduit les coûts d’entrée sur le marché et élargit les canaux de vente. Des formations gratuites en ligne sont désormais accessibles (YALI Network, Google Digital Skills Africa, etc.), permettant aux jeunes d’acquérir des compétences pratiques. Des concours comme le Tony Elumelu Foundation Entrepreneurship Programme ou Orange Social Venture Prize Africa & Middle East récompense et financent des initiatives jeunes à fort impact social. Par ailleurs, l’économie verte, l’agriculture bio, le recyclage et les services numériques sont des secteurs à fort potentiel dans lesquels les jeunes peuvent innover, surtout en lien avec les Objectifs de Développement Durable (ODD).

 

Conclusion                                                                                          

L’entrepreneuriat jeune au Cameroun témoigne d’une volonté collective de transformation sociale et économique. Malgré les obstacles, les parcours comme ceux de Lauriane, Jean-Yves ou Félicité démontrent que l’innovation locale, la créativité et la résilience peuvent porter des fruits remarquables. Pour que cette dynamique prenne racine durablement, il est essentiel d’investir dans un écosystème entrepreneurial inclusif, digitalisé, formateur et souple, capable d’accompagner chaque jeune qu’il soit en zone urbaine ou rurale dans sa quête d’émancipation et de contribution au développement du pays.

 

 Références 

  • Institut National de la Statistique (INS). (2021). Rapport sur la population du Cameroun.
  • Organisation Internationale du Travail (OIT). (2020). Rapport sur l’emploi des jeunes.
  • Tchamabe, L. (2021). Évaluation du Plan Spécial Jeunes au Cameroun. Revue Économie Sociale, Vol. 8.
  • GIZ Cameroun. (2020). Étude sur l’entrepreneuriat jeune et les enjeux du financement.
  • Ndongo, A. (2022). Les incubateurs au Cameroun : entre espoir et limites. Cahiers de l’Économie Africaine, N°13.
  • Nguemo, J-Y. (2022). AgriBoost et les innovations agrotech en Afrique Centrale. Journal des Entrepreneurs Africains.
  • Institut National de la Statistique du Cameroun (INS), Rapport 2023. https://ins-cameroun.cm
  • BIT (2022). Rapport sur l’emploi des jeunes en Afrique. https://ilo.org
  • Tony Elumelu Foundation. https://www.tonyelumelufoundation.org
  • Programme PTS-Jeunes. MINJEC. https://minjec.gov.cm
  • ActivSpaces Cameroon. https://activspaces.com
  • YALI Network. https://yali.state.gov