La révolution numérique transforme profondément l’enseignement supérieur en Afrique. Des MOOCs aux bibliothèques virtuelles, en passant par les plateformes de collaboration et les applications d’orientation, le numérique ouvre de nouvelles perspectives pour des millions d’étudiants africains. Il promet accès un élargi au savoir, une meilleure insertion professionnelle et des outils pédagogiques modernisés. «L’accès au numérique est devenu un droit de l’étudiant du XXIᵉ siècle, mais encore faut-il le rendre effectif.» (UNESCO, 2023)
Mais cette vitrine d’innovation cache aussi une réalité plus contrastée tels que fracture numérique persistante, cyber-risques émergents et inégalités d’accès menacent la promesse d’un «campus connecté» équitable. À l’heure où les universités africaines s’outillent, la question n’est plus seulement celle de l’accès, mais de la maîtrise, de la sécurité et de l’inclusion. «La fracture numérique est la nouvelle ligne de front des inégalités éducatives.» (OECD, 2021)
Des campus plus ouverts: un potentiel indéniable
La pandémie de COVID-19 a accéléré la transition numérique des universités africaines. Cours en ligne, visioconférences, archives en open Access, plateformes d’examen dématérialisées en quelques années, le paysage pédagogique s’est transformé.
Au Cameroun, l’Université virtuelle d’Afrique centrale propose à ses 5 000 étudiants une plateforme multilingue intégrant cours, examens et forums d’échange. En Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Niger, des initiatives similaires émergent. Cette digitalisation permet aux étudiants les plus isolés de poursuivre leurs études, parfois dans des conditions auparavant impossibles. «L’enseignement à distance a offert un souffle nouveau aux universités africaines durant la pandémie.» (Internet Society, 2022)
«Sans les ressources en ligne, je n’aurais jamais pu valider mon mémoire. Internet m’a ouverte au monde de la recherche», témoigne Mariam, étudiante nigérienne en sociologie.
Les MOOCs africains tels que ceux produits par l’Université Virtuelle du Sénégal ou Keewu comblent le manque d’enseignants dans certaines disciplines clés. Les partenariats entre universités et éditeurs numériques, soutenus par l’Union africaine ou l’UNESCO, élargissent encore les possibilités de formation à distance. «Les MOOCs africains sont une réponse concrète au manque d’enseignants.» (Union Africaine, 2020).
Une fracture numérique persistante
Cependant, cette révolution numérique reste incomplète. Selon l’Union Internationale des Télécommunications, en 2023, plus de 35 % des étudiants africains n’ont toujours aucun accès à une connexion Internet stable, notamment en zone rurale (Cf. Measuring Digital Development: Facts and Figures 2023).
Le coût élevé des équipements numériques (ordinateurs, smartphones) et des forfaits Internet pèse lourd sur les foyers. «L’accès inégal à Internet creuse un fossé entre les étudiants urbains et ruraux.» (UIT, 2023)
. Nombreux sont les étudiants qui travaillent depuis des cybercafés bondés ou partagent un téléphone familial pour suivre leurs cours. L’accès reste donc souvent précaire, discontinu et dépendant de ressources partagées. «La précarité numérique reproduit les inégalités sociales sur le campus.» (Wasserman & Madrid-Morales, 2022)
Par ailleurs, le manque de compétences numériques de base est un frein majeur à l’appropriation. Simon, étudiant camerounais en commerce, raconte:
«J’ai perdu mon rapport de stage à cause d’un virus sur ma clé USB. Je ne savais même pas qu’il fallait faire des sauvegardes.»
Cette pauvreté numérique ne concerne pas que le matériel, elle reflète aussi une absence d’accompagnement pédagogique, de formations continues et de programmes d’alphabétisation numérique structurés. «L’illettrisme numérique est l’un des grands oubliés de la transformation digitale.» (OECD, 2021)
Cyber-risques: la face cachée du campus connecté
Derrière l’enthousiasme pour les technologies éducatives se cachent aussi de nouveaux périls numériques. Sur de nombreux campus, on observe:
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Piraterie de données et vols de mémoire de fin d’études,
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Arnaques aux diplômes via de faux comptes sur WhatsApp ou Telegram,
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Cyberharcèlement, notamment envers les jeunes femmes,
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Désinformation, notamment pendant les campagnes électorales étudiantes.
Peu de campus disposent encore de chartes de bonne conduite numérique ou de services IT capables de sécuriser les données sensibles. Les étudiants eux-mêmes sont rarement formés à la cybersécurité, exposant leurs données, leurs travaux et leur identité à de multiples vulnérabilités. «La cybersécurité doit devenir un pilier de la gouvernance universitaire.» (Internet Society, 2022)
Face à ces menaces, la création de chartes numériques, de cellules de veille et d’outils pédagogiques sur la sécurité numérique devient une urgence pour les universités africaines.
Conclusion
Le défi des universités africaines ne réside pas seulement dans l’adoption du numérique mais dans sa domestication éthique, inclusive et durable. «Un numérique éthique et inclusif, voilà le véritable enjeu.» (AU, 2020). Loin d’opposer technologie et savoir traditionnel, il s’agit d’inventer un modèle hybride:
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Connecté mais résilient,
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Inclusif mais sécurisé,
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Innovant mais enraciné dans les réalités locales.
«Protéger la jeunesse contre les dérives, c’est transformer le numérique en moteur d’innovation et de justice sociale pour des millions de jeunes Africains», peut-on lire dans le rapport de l’Union africaine sur la transformation digitale. «Protéger la jeunesse, c’est faire du numérique un vecteur de justice sociale.» (Union Africaine, 2020)
Le numérique africain ne doit pas être un luxe, ni un piège mais un droit, un outil et une promesse.
Références et bibliographie
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Union Internationale des Télécommunications (UIT). Measuring Digital Development: Facts and Figures 2023. https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Pages/facts/default.aspx
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UNESCO Institute for Statistics. Global Education Monitoring Report: Technology in Education 2023. https://www.unesco.org/reports/global-education-monitoring-report
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Internet Society. Internet Resilience in Africa: Policy Brief (2022). https://www.internetsociety.org/resources/doc/2022/internet-resilience-in-africa/
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OECD Development Centre. Africa’s Development Dynamics 2021: Digital Transformation for Quality Jobs. https://www.oecd.org/development/africa-s-development-dynamics-2021-220224ed-en.htm
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Wasserman, H. & Madrid-Morales, D. (2022). Disinformation in the Global South. Journalism & Mass Communication Quarterly. DOI: 10.1177/10776990221096178
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African Union. Digital Transformation Strategy for Africa 2020–2030. https://au.int/en/documents/20200518/digital-transformation-strategy-africa-2020-2030