Risques hydro-climatiques et conflits agropastoraux sur l’axe Sénégal-Niger : enjeux et solutions pour une coexistence durable
Les risques hydro-climatiques et les conflits agropastoraux sont deux des défis majeurs auxquels font face les populations riveraines de l’axe fluvial Sénégal-Niger. Dans cette région, où l’eau et les ressources naturelles sont cruciales pour la survie, les sécheresses, les inondations, et les changements climatiques exacerbent les tensions entre agriculteurs et éleveurs. Cet article propose une introduction aux liens complexes entre les risques hydro-climatiques et les conflits agropastoraux, en soulignant les impacts sur les communautés locales et en explorant les solutions possibles pour promouvoir une coexistence pacifique.
Les risques hydro-climatiques : sécheresses, inondations et impacts environnementaux
Les fleuves Sénégal et Niger, bien qu’essentiels pour le développement socio-économique, sont de plus en plus vulnérables aux aléas climatiques. Les sécheresses fréquentes et les inondations soudaines mettent sous pression les ressources en eau et compromettent les moyens de subsistance des populations riveraines. Les sécheresses prolongées entraînent une baisse du niveau des eaux fluviales, réduisant la disponibilité de l'eau pour l'irrigation, l’abreuvement du bétail, et la consommation domestique. À l'inverse, les inondations peuvent détruire les cultures et provoquer des déplacements de populations (IPCC, 2014).
Ces risques hydro-climatiques sont exacerbés par le changement climatique, qui modifie les régimes de précipitations et intensifie la variabilité des saisons. Les zones autrefois propices aux cultures agricoles ou à l’élevage deviennent imprévisibles, affectant la production alimentaire et la sécurité économique des familles. En outre, les communautés sont souvent mal équipées pour faire face aux catastrophes naturelles, ce qui aggrave les impacts des sécheresses et des inondations (Niang et al., 2014).
Conflits agropastoraux : une conséquence des pressions environnementales
Les risques hydro-climatiques affectent directement les relations entre les agriculteurs sédentaires et les éleveurs nomades, deux groupes qui dépendent des mêmes ressources naturelles pour leur subsistance. Les agriculteurs, qui cultivent des terres fertiles proches des fleuves, et les éleveurs, qui déplacent leur bétail à la recherche de pâturages et de points d’eau, voient leurs espaces de vie se réduire sous la pression climatique. La raréfaction des ressources en eau et en terres cultivables entraîne une concurrence accrue entre ces deux groupes, ce qui alimente des conflits parfois violents (Benjaminsen et al., 2012).
Ces conflits sont souvent exacerbés par des facteurs économiques et sociaux, tels que l’accroissement démographique et la faiblesse des structures de gouvernance locale. Les périodes de sécheresse, par exemple, forcent les éleveurs à traverser les terres agricoles pour accéder aux points d’eau, ce qui provoque des tensions avec les agriculteurs. En retour, les agriculteurs protègent leurs champs contre le passage des troupeaux, ce qui peut dégénérer en affrontements. Les violences qui en résultent ont des répercussions sur la sécurité des communautés et compromettent la stabilité dans la région (Moritz, 2010).
L'impact des risques hydro-climatiques et des conflits sur les communautés locales
Les conflits agropastoraux et les risques hydro-climatiques ont des conséquences profondes sur la vie des populations riveraines. En plus des pertes économiques dues aux dommages des cultures et du bétail, ces tensions créent un climat de méfiance entre les communautés, rendant difficile la coopération pour la gestion des ressources naturelles. Les déplacements forcés de populations et la destruction des infrastructures locales aggravent la précarité, laissant les communautés dépendantes de l’aide extérieure pour leur survie (Turner, 2004).
Les impacts psychologiques ne sont pas à négliger non plus, car les familles touchées par la violence perdent non seulement leurs moyens de subsistance mais aussi la sécurité qui leur permet de vivre en paix. Cette instabilité fragilise les communautés et limite leur capacité à s'adapter aux effets du changement climatique. La combinaison des risques hydro-climatiques et des conflits agropastoraux crée ainsi un cercle vicieux qui rend la région de plus en plus vulnérable aux crises écologiques et humanitaires.
Solutions pour une coexistence pacifique et une résilience durable
Face à ces défis, des solutions de gestion des ressources naturelles et de résolution des conflits sont nécessaires pour promouvoir une coexistence pacifique entre les agriculteurs et les éleveurs. L’une des approches possibles est la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), qui propose une gestion coordonnée et équitable de l’eau entre les différents utilisateurs. En intégrant les besoins des agriculteurs et des éleveurs, la GIRE pourrait contribuer à réduire les tensions et à optimiser l’utilisation de l’eau pour les activités agricoles et pastorales (Molle & Mollinga, 2003).
La création de couloirs de transhumance sécurisés et bien balisés est une autre solution qui permettrait aux éleveurs de traverser les terres agricoles sans causer de conflits. Ces corridors, établis en concertation avec les communautés locales, réduiraient les risques de confrontation en offrant des points d’accès à l’eau et aux pâturages le long des routes de migration. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a, par exemple, développé des programmes de couloirs de transhumance en Afrique de l’Ouest, qui ont montré des résultats encourageants dans la réduction des conflits (FAO, 2016).
En outre, l’implication des communautés locales dans les décisions de gestion des ressources est cruciale. Les associations de producteurs agricoles et pastoraux peuvent jouer un rôle dans la médiation des conflits et dans la mise en œuvre de pratiques durables. Les campagnes de sensibilisation et de formation permettent également aux agriculteurs et éleveurs de mieux comprendre les avantages de la coexistence pacifique et de la gestion partagée des ressources (Benjaminsen et al., 2012).
Conclusion
Les risques hydro-climatiques et les conflits agropastoraux constituent un défi complexe pour l’axe fluvial Sénégal-Niger, nécessitant une approche intégrée et durable. Le colloque des jeunes chercheurs représente une plateforme d’échanges et de réflexion sur ces enjeux, offrant l’occasion de partager des idées novatrices pour renforcer la résilience des communautés face aux pressions environnementales. En encourageant une coopération pacifique et une gestion durable des ressources, il est possible d’envisager un avenir où agriculteurs et éleveurs peuvent coexister harmonieusement et contribuer au développement de cette région cruciale pour l’Afrique de l’Ouest.
Références
- Benjaminsen, T. A., Alinon, K., Buhaug, H., & Buseth, J. T. (2012). *Land Use and Climate Change Conflicts in the Sahel*. Journal of Peace Research, 49(1), 23-34.
- FAO. (2016). *Managing Pastoral Transhumance in the Sahel*. Food and Agriculture Organization of the United Nations.
- IPCC. (2014). *Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability*. Cambridge University Press.
- Molle, F., & Mollinga, P. (2003). *Water Poverty and the Governance of Water Resources*. Water International, 28(3), 296-305.
- Moritz, M. (2010). Understanding Herder-Farmer Conflicts in West Africa: Outline of a Processual Approach. *Human Organization*, 69(2), 138-148.
- Niang, I., Ruppel, O. C., Abdrabo, M. A., et al. (2014). Africa. In *Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability*. Cambridge University Press.
- Turner, M. D. (2004). *Political Ecology and the Moral Dimensions of “Resource Conflicts”: The Case of Farmer–Herder Conflicts in the Sahel*. Political Geography, 23(7), 863-889.